Mourhea/Môman
Hier j'ai vu un film grandiose. Et j'aime les films grandioses, surtout quand le scénario n'est pas complètement stupide. Et là ça n'était pas tout à fait le cas. Avant d'aller plus loin je vais préciser de quoi je parle, le film s'appelle "La cité interdite", son réalisateur, Zhang Yimou, le même bonhomme a aussi réalisé Hero, qui est ma fois plutôt chouette, quoiqu'à mon avis il ne vaut pas le petit dernier.
Pourquoi j'écris cet article ? Parce que j'ai pas envie de faire des maths
: )=
Donc la pelote du noeud de l'histoire, c'est une conspiration au sein de la famille royale Chinoise, en je-ne-sais-combien avant J.C., mais suffisamment longtemps auparavant pour que la chine de l'histoire soit le pays le plus fastueux du monde, comme l'Egypte d-il y a 5000 ans. C'est toujours saisissant de voir comme des civilisations, qui sont des modèles de ce que peut faire l'homme quand il trouve un équilibre entre guerre et prospérité, ont perdu la gloire qu'ils devaient croire éternelle, après plus de mille ou deux mille ans de stabilité, comment la suite des siècles les a transformés en pays du tiers monde puis en ceux qu'on appelle maintenant "pays émergeant". Saisissant et décevant de voir que les précurseurs des siècles passés ne sont aujourd'hui guère que des coureurs de fond à la poursuite du modèle américain... occidental... mondial... mondialisation ! Argh, on y vient, vade retro civilisation mondiale ! Enfin tout ça pour dire que de mon point de vue, les civilisations phare du passé étaient plus brillantes que celle que nous construisons aujourd'hui, ou peut être est-ce parce que justement nous n'avons pas l'intention de construire quoi que ce soit.
En fait, ce que je viens de dire est assez peu constructif, si on regarde sur quoi je me base pour condamner notre médiocre présent, je compare bêtement les vestiges grandioses de deux empires dont les rois étaient mégalomanes et le peuple pas tout à fait aussi prospère que la cour impériale avec un système dont je fais partie intégrante, et dont par conséquent je ne vois que les travers, bon français que je suis. Le commun des mortels compare les civilisations éteintes par les merveilles architecturales qu'elles ont laissé en s'éteignant, non parce qu'elles sont toute sa connaissance de l'histoire, mais parce qu'elles recèlent une part de mystère. Il les trouve incomparables à son quotidien parfois banal, et pour cause, quel politicien pourrait promettre à chacun de ses électeurs la cité interdite, une pyramide pour tombeau ? De toute façon, qu'ils n'essaient même pas, s'ils osaient je ne les croirais pas. D'ailleurs cette phrase me fait penser que la nostalgie d'un peuple est un poison dont un politicien sans scrupules peut user avec largesse, même si aujourd'hui en France la démagogie de ce genre n'est à la mode que dans les marges, des crétins comme De Villiers peuvent toujours surfer sur l'ignorance populaire pour leur présenter le passé comme un futur enviable.
Arf, plus j'écris et plus je doute que mes soupirs devant les merveilles d'autrefois soient si inoffensifs que ça, il faut que j'apprenne à apprécier le bon tout en gardant le mauvais à l'esprit, je gagnerais parfois à être un peu moins manichéen,comme beaucoup d'autres.
Voilà comment je passe de l'admiration à l'aveuglement, et de l'aveuglement à l'éveil...
Enfin tant que rêver aux siècles passés ne me rendra pas aigri devant ce qu'est le monde aujourd'hui, la nostalgie de ce je n'ai pas connu ne sera pas une noyade, je pourrai encore m'y abandonner.
Bien, après cette réflexion qui se mord la queue, j'en viens au vif du sujet : le film.
J'ai cru lire à propos du réalisateur, qu'il était metteur en scène à l'opéra, et si c'est le cas, ça explique peut être pourquoi ce film ressemble tant à un ballet. Individuellement les acteurs ne dansent pas, mais ils ont tous une posture et des gestes si gracieusement prémédités, (même le son de leurs chaussures, de leurs armures est régalien,) que leurs mouvements paraissent comme chorégraphiés. Il en va de même pour les décors, je ne peux pas croire que la chine ou quelque empire que ce soit ait atteint une telle démesure dans ses rituels, ni une telle richesse, tout n'est qu'or, argent, soie, verre, fleurs... La puissance du faste écrase complètement les humains qu'on croise, dansant, au détour d'un couloir.
Pendant la majeure partie du temps, la caméra suit la reine dans les dédales du palais, plus sculpture que femme, cette partie du film présente certaines ressemblances avec Marie Antoinette, de Sophia Coppolla, elle montre comment toute notion de réalité peut disparaître de l'esprit des dirigeants lorsqu'ils sont si encerclés par les protocoles et le luxe que plus rien ne filtre du monde extérieur. Cette reine ne vit pas, elle paraît, (et elle conspire, ce qui peut finalement s'apparenter à de la vie. ) Ensuite c'est la tragédie qui s'installe, et on dépasse des sommets dans le grandiose. Evidemment parfois on se dit que le trait est un peu gros, mais ça n'est pas rendre hommage au film que de dire seulement « parfois », la démesure est justement ce qui le rend beau, moins théatral il l'eût été trop. En sortant je me disais que ça ressemblait à Hamlet pas par l'histoire mais par la structure, et maintenant je me demande comment shakespeare était perçu de son vivant.
Autre chose, je me demande si cette manière de créer la beauté par le nombre ( je n'ai jamais vu autant de figurants ) n'est pas un héritage du communisme...
Ce
qui
me
plait
le
plus
dans ce film ...
C'est la part d'apparat qui n'est là que pour le plaisir de l'apparat, et la manière dont elle s'intègre au film sans se substituer au scénario alors que le réalisateur aurait très bien pu se contenter d'un film creux mais beau et tout de même faire des bénéfices extraordinaires. Ma fois, il ne faut pas toujours cracher sur ce qui nous émerveille plus qu'il ne nous fait réfléchir.