José Bové, Bérou et les marchés.
Le dimanche matin, à 10h à Villeurbane, c'est le marché. Habituellement ça me préoccupe assez peu, si j'osais je dirais même que je m'en fous, mais ce matin, ça n'était pas le cas, le marché a croisé ma route.
Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu'en me levant j'ai décidé d'aller acheter du pain. C'est tout ce qu'il y a de plus banal comme démarche, mais partant du fin fond du campus, il faut trotter sur un bon bout de chemin pour trouver une boulangerie. Mon vélo rouillant depuis plus d'un mois dans le garage de l'immeuble de ma soeur je pris un vélo'v. Un vélo'v qui faisait un bruit de mobilette, mais c'est un détail.
Parenthèse, ce matin, juste avant de partir en expédition, par la fenêtre ouverte j'ai entendu un coucou, et vu le soleil, brillant franchement au beau milieu d'un ciel sans nuage. J'ai regardé les pâquerettes du cimetière et ça m'a mis de bonne humeur, le printemps arrive. Je ne sais pas pourquoi, mais le chant du coucou ça me donne toujours un pincement de nostalgie. C'est un sentiment que j'ai du mal à m'expliquer, ça doit venir des sonorités du chant, parce que je n'ai pas de souvenir particulier lié aux coucous. Fin de la parenthèse.
Quelle ne fut pas notre surprise, lorsque ma mobilette et moi nous trouvâmes nez à nez avec des barrières, en plein milieu de la route qui devait nous conduire à la boulangerie promise ! Et derrière ces barrières... Une fourmilière. Vraiment, tomber sur un marché, au saut du lit, au moment ou on s'y attend le moins, c'est comme découvrir une fourmilière sous une grosse pierre. On sait que ça existe, mais habituellement ça reste dans un monde parallèle. L'intrusion m'obligea à changer mon itinéraire, et j'abandonnai ma bécane aux bons soins d'un lampadaire pour m'engouffrer dans la foule dominicale.
C'est toujours marrant le recul qu'on prend lorsqu'on se promène seul au milieu du monde, on marche au parmi des gens, mais c'est comme si on planait au dessus d'eux, si on n'a pas d'autre souci en tête évidement. Et on fait de la botanique.
D'après mon expérience de ce matin, je peux conclure que ce qui pousse le mieux dans les marchés, c'est la cinquantenaire équipée d'un panier. En règle générale, les quinquagénaires poussent courbées au dessus des étalages.
Tiens, parlons-en des étalages. J'ai pu observer le plus beau spécimen d'hystérie de ma vie ! Deux droguistes se trouvaient côte à côte, l'un vendait tout à un euro, l'autre tout à deux euros et chacun des étalages avait son porte parole, au niveau de la richesse ça ressemblait à notre débat pour les présidentielles. Madame "tout à un euro" avait pour elle la puissance de son organe vocal et monsieur "tout à deux euros" avait comme principal atout l'antipathie qu'inspirait madame "tout à un euro", si l'on considère que le flegme, pour un camelot n'est pas une qualité. Elle était montée sur l'étal, au beau milieu de ses boites de maquillage à un euro, et hélait la foule: "UN EURO MESDAMMES, UN EURO !" puis "ALLEZ MESDAMMES, CE MATIN C'EST UN EURO !" . Monsieur, lui, se contentait de "deux euros, c'est deux euros", "deux euros, c'est deux euros", "deux euros, c'est...." . A ce stade, j'étais déjà hors de portée de voix, en route vers ma boulangerie, car après tout j'étais venu pour avoir du pain, et foi de crocodile, je n'allais pas repartir sans ! Il me fallut encore un brin de patience avant , enfin, de tenir ma baguette dans les mains, puisque la file d'attente sortait allègrement dans la rue. Et je refis le chemin en sens inverse
"Au revoir monsieur !"
"Oui médème, c'est trois euros"
"Bonjour monsieur !" ( et paf! un tract pour José Bové)
"UN EURO, C'EST UN EURO ! ( deux euros, c'est deux euros ) MAIS ALLEZ MESDAMMES, C'EST UN EURO !!!!" ( ton de réprimande, les mesdames n'achetaient pas assez vite ).
Et pour finir je retrouvai mon cher vélo, qui m'attendait sagement où je l'avais laissé ( le contraire m'eût étonné ). Entre temps, j'avais donc croisé un tracteur ( ne cherchez pas de mauvais jeu de mot, je parle d'un bonhomme distribuant des tracts) plutôt sympa à la solde de José Bové qui m'avait tendu une feuille ( de papier recyclé évidement ), et deux grands dadais en campagne pour Bérou, qui traversaient la foule, dans leurs grands manteaux de feutrine grise, tracts sous le bras, sans les distribuer... je ne saurais dire pourquoi, ils ne m'étaient pas sympathiques. Je n'avais encore jamais croisé de tracteurs dans la rue pendant une élection présidentielle, je ne savais pas que c'était de coutume. Pourtant, je n'ignorais pas que les candidats prenaient leurs bains de foule matinaux dans ces mêmes marchés, pas pour faire de la botanique mais pour recueillir les voix des quinquagénaires à panier, ça n'aurait donc pas du me surprendre.
Je parcourus des yeux le tract intitulé "Osez Bové ! " sur le chemin du retour, et la ressemblance entre le discours de José et les paroles des chansons des Cowboys Fringants me frappa. Peut être devrait-on lui suggérer de faire sa campagne en chanson, ou de s'attirer les bonnes grâces des garçons vachers, après tout, chaque candidat a son artiste porte bonheur, il serait temps que le candidat de "la vraie gauche" se flanque de pareil spécimen. Quoique, les Cowboys Fringants ont peut être déjà suffisamment à faire avec le système québecois qu'ils dénoncent. Toujours est-il que les propositions du candidat Bové m'ont séduit à défaut de me donner envie de voter pour lui. Séduit parce qu'elle me paraissaient décrire un monde assez idéal, tels ue je voudrais le voir du moins, mais pas convaincu parce qu'elles ressemblaient trop à des paroles de chanson. On ne peut pas justifier grand chose sur un pauvre tract, je le sais, mais il n'empêche que le moment venu, je serai curieux de savoir comment ce monsieur va expliquer comment il compte mettre les firmes transnationales au pas, faire disparaître le chômage, mettre les citoyens ruraux et les citadins sur un pied d'égalité, et poser un nouveau modèle de développement. Sans compter "la paix dans le monde et l'égalité des sexes" qui figurent au bas de la liste des souhaits. C'est vrai que pour convaincre, il faut souvent grossir le trait, mais on tombe facilement dans le caricatural. Je me demande ce qui était écrit sur les tracts de monsieur Bérou. Si j'y croyais, je dirais que je vais lire leur programme.